Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/135

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comme s’il voulait se rendre sourd et sa sœur partit en ruminant ce petit discours. Si jalouse qu’elle fût des Vincy et de Mary Garth, il y avait au fond de son esprit borné comme une conviction que son frère Pierre Featherstone ne laisserait jamais sortir le principal de son bien des mains de sa famille. Pourquoi sans cela le Tout-Puissant lui eût-il enlevé ses deux femmes, toutes deux sans enfants, après qu’il avait gagné tant d’argent dans ses heureuses spéculations ? Et pourquoi y avait-il une église dans la paroisse de Lowick ? et pourquoi les Waule et les Powderell se trouvaient-ils tous assis dans les mêmes stalles depuis tant de générations, avec la stalle des Featherstone à côté, si le dimanche, après la mort de son frère Pierre, tout le monde allait apprendre que sa fortune était sortie de la famille ?

À l’entrée de Fred, le vieillard le regarda avec un clignotement particulier. Le jeune homme l’interpréta à son avantage, et, de fait, l’oncle prenait plaisir à considérer dans tout ce qu’elle avait de satisfaisant la personne de son neveu.

— Et vous, jeunes demoiselles, retirez-vous aussi, dit M. Featherstone. J’ai à parler à Fred.

— Venez dans ma chambre, Rosemonde, si vous ne craignez pas le froid pour un petit moment, dit Mary.

Les deux jeunes filles se connaissaient depuis l’enfance ; elles avaient été élevées à la même école provinciale, Mary pour se préparer à l’enseignement, en sorte qu’elles avaient beaucoup de souvenirs communs ; et elles aimaient toutes deux à se trouver ensemble. Ce tête-à-tête rentrait d’ailleurs dans le plan de Rosemonde en venant à Stone-Court.

Le vieux Featherstone ne voulut pas entamer la conversation avec son neveu avant que la porte fut refermée. Il continua de regarder Fred avec le même clignotement et avec une grimace qui lui était particulière, ouvrant et fermant la bouche alternativement ; et, quand il parla, ce fut d’un ton bas qui ressemblait plutôt à celui d’un dénon-