Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/145

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monde avec sa douceur la plus grave ; je ne voudrais pas dire cela à maman pour rien au monde.

— Qu’est-ce que vous ne voudriez pas lui dire ? s’écria Mary en colère.

— Ne vous mettez pas en fureur, je vous prie, Mary, dit Rosemonde toujours aussi doucement.

— Si votre maman a peur que Fred ne demande ma main, dites-lui que je ne l’épouserais pas, lors même qu’il me le demanderait. Mais je ne crois pas qu’il y songe, Il ne m’en a certainement jamais dit un mot.

— Vous êtes toujours si violente, Mary !

— Et vous toujours si exaspérante !

— Moi ? Que pouvez-vous me reprocher ?

— Oh ! les gens à qui l’on n’a jamais rien à reprocher sont toujours les plus exaspérants. Mais voici que l’on sonne, je crois qu’il nous faut descendre.

— Je n’avais pas l’intention de me quereller avec vous, Mary, dit Rosemonde en remettant son chapeau.

— Nous quereller ? Quelle sottise ! Nous ne nous sommes pas querellées ! Si on ne pouvait se mettre en colère quelquefois, où serait l’avantage d’être amies.

— Faut-il que je répète ce que vous avez dit ?

— Comme vous voudrez. Je ne dis jamais rien qu’on ne puisse répéter. Descendons À présent.

M. Lydgate était en retard, ce jour-là ; mais les visiteurs de Stone-Court y demeurèrent assez longtemps pour le voir, car M. Featherstone ayant prié Rosemonde de chanter, elle fut assez aimable pour lui proposer une de ses romances favorites : Passe, passe, brillante rivière, après avoir chanté Home, sweet home, qu’elle détestait. Ce vieil hypocrite, qui aimait la romance sentimentale, applaudissait encore le dernier morceau quand le cheval de M. Lydgate s’arrêta devant la fenêtre. Il venait tous les matins à Stone-Court, et la morne perspective de cette visite quotidienne à