Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/150

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hériter de quoi que ce soit !… pendant que tant d’autres ! Ah ! certes la vie était une triste affaire pour qu’un jeune homme, spirituel, aimable, disposé à goûter le meilleur de toutes choses, n’eût devant lui qu’un aussi pauvre avenir !

Il n’était pas venu à l’esprit de Fred que l’introduction du nom de Bulstrode dans l’affaire pût n’être qu’une invention du vieux Featherstone ; mais ceci même n’eût rien changé à la situation. Ce qui était clair pour Fred, qui croyait pénétrer jusqu’au fond de l’âme de son oncle Featherstone, c’est que le vieillard voulait user de son pouvoir en le tourmentant un peu et se donner en même temps la satisfaction de le mettre en mauvais termes avec Bulstrode. Et maintenant, la question était de savoir s’il parlerait à son père, ou s’il essayerait de se tirer d’affaire tout seul. C’était mistress Waule (il n’en doutait pas) qui avait fait ces rapports sur lui, et si Mary Garth avait répété ses propos à Rosemonde, il était sûr que l’affaire arriverait aux oreilles de son père, — et tout aussi sûr que celui-ci l’interrogerait. Comme ils ralentissaient le pas de leurs chevaux, Fred dit à Rosemonde :

— Rosy, Mary vous a-t-elle dit que mistress Waule eût répété quelque chose sur mon compte ?

— Oui, certainement.

— Et quoi donc ?

— Que vous étiez un jeune homme fort dissipé.

— Est-ce là tout ?

— Il me semble que cela suffit, Fred.

— Êtes-vous sûre qu’elle n’ait rien dit de plus ?

— Mary ne m’a point parlé d’autre chose. Mais vraiment, Fred, n’êtes-vous pas honteux ?

— Hein ! quoi ?… Ne me faites pas la leçon ; qu’en a dit Mary ?

— Je ne suis pas forcée de vous le dire. Vous vous