Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/198

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sautant vivement de son tabouret. Et, d’abord, quelques bonnes mélodies entraînantes !

Rosemonde jouait admirablement. Son professeur à la pension de mistress Lemon, dans le voisinage d’une petite ville, était un de ces excellents musiciens qu’on rencontre parfois dans nos provinces, digne vraiment d’être comparé à ces fameux maîtres de chapelle d’un pays plus autorisé, d’ailleurs, que le nôtre à se vanter de ses gloires musicales. Rosemonde avait saisi sa manière de jouer avec un véritable instinct de virtuose, et elle reproduisait avec la précision de l’écho sa façon large de rendre une noble musique. La première fois qu’on l’entendait, on en était saisi. C’était comme une âme cachée qui s’échappait sous les doigts de Rosemonde.

Lydgate fut fasciné et il commença à croire qu’il y avait en elle quelque chose d’exceptionnel. Après tout, se disait-il, on ne devrait pas s’étonner de rencontrer de ces rares combinaisons de nature dans des circonstances qui semblent à première vue peu favorables ; d’où qu’elles viennent, ces rares combinaisons dépendent toujours de causes invisibles. Il était assis à la regarder et ne se leva pas pour lui adresser de compliments ; il laissait ce soin aux autres, maintenant que son admiration était devenue plus profonde.

Son chant était moins remarquable mais parfaitement modulé et doux à entendre comme un harmonieux carillon. Il est vrai qu’elle chanta Venez à moi au clair de lune ; — car tous les mortels doivent suivre la mode de leur temps et il n’y a que les anciens qui puissent être toujours classiques. Mais Rosemonde savait indifféremment chanter avec effet les Yeux noirs de Suzanne, les petites romances de Haydn — ou Voi che sapete — ou Batti, batti ; — elle ne demandait qu’à connaître le goût de ses auditeurs.

Son père promenait ses regards sur les assistants, heureux et fier de l’admiration qu’elle excitait. Sa mère était