Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/202

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s’éloignant de chez les Vincy ; et je crains que ce ne soit pour lui, aux yeux de bien des femmes, une assez mauvaise note. Il ne songea que plus tard à Rosemonde et à sa musique, et pourtant, quand son tour fut venu, il s’arrêta sur cette charmante image tout le temps de sa promenade ; il n’éprouvait nul trouble d’ailleurs et n’avait pas conscience qu’un courant nouveau fût entré dans sa vie. Il ne pouvait pas encore se marier, il n’y voulait pas songer avant bien des années ; il n’était donc nullement disposé à se croire épris d’une jeune fille parce qu’il l’avait admirée par hasard. Il admirait, il est vrai, infiniment Rosemonde, mais cette folie qui l’avait entraîné vers Laure, il ne croyait pas qu’elle pût jamais le ressaisir pour une autre femme. Sans doute, s’il pouvait être question pour lui d’être amoureux en ce moment, ce serait d’une créature comme cette miss Vincy. Elle avait précisément le genre d’intelligence qu’on aime à rencontrer chez une femme souple, raffinée, docile, entrant jusqu’à la perfection dans toutes les délicatesses de la vie, et pour enveloppe un corps exprimant toutes ces perfections avec une force démonstrative qui rendait toute évidence superflue. Lydgate était sûr que, si jamais il se mariait, sa femme aurait cet éclat féminin, ce charme distinctif de son sexe qui doit être classé avec les fleurs et la musique, ce genre de beauté, qui, par sa nature même, ne peut être que vertueux, n’ayant été moulé que pour des joies pures et délicates.

Mais, n’ayant pas l’intention de se marier avant les cinq ans à venir, son affaire la plus pressante était d’aller se plonger dans le nouveau livre du docteur Louis sur la fièvre, qui l’intéressait d’autant plus qu’il avait connu Louis à Paris et suivi ses leçons. Il rentra et lut jusque bien avant dans la nuit, apportant dans cette étude pathologique une attention plus minutieuse à tous les détails et à tous les rapports des faits, qu’il n’avait jamais cru nécessaire