Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/215

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ginel qui forment la société autour de vous. La connaissance que j’ai acquise de bien des difficultés, je l’ai payée de douze ou treize années que j’ai vécu de plus que vous. Mais… M. Farebrother s’arrêta un instant, puis reprit : Vous voilà encore absorbé dans la contemplation de ce bocal ; nous pourrons faire un échange ; et vous avez l’air de tenir tant à ce monstre que j’ai bien envie de vous en demander un gros prix, et, par-dessus le marché, de vous faire passer en revue tous mes tiroirs, toutes mes nouvelles espèces de plantes et d’insectes ?

Tout en parlant, le vicaire se promenait la pipe à la bouche, puis revenait se pencher avec un tendre intérêt sur ses tiroirs.

— Ce serait une bonne leçon de discipline, savez-vous, pour un jeune médecin, forcé de plaire à ses malades de Middlemarch ? C’est là un apprentissage nécessaire, ne l’oubliez pas. Non, vous prendrez le monstre et vous me donnerez ce que vous voudrez.

— Ne croyez-vous pas que, si les hommes estiment trop haut la nécessité de complaire à la bêtise de chacun, ils arrivent à se faire mépriser des fous mêmes dont ils recherchent les suffrages ? dit Lydgate en regardant d’un œil distrait les insectes rangés en bel ordre, avec leurs noms inscrits en admirables caractères. Le moyen le plus simple est de faire sentir sa valeur, de façon que les gens soient forcés de compter avec vous, que vous les flattiez ou non.

— J’admets bien cela. Mais il faut alors être bien sûr de sa valeur et rester tout à fait indépendant. Il y a peu d’hommes qui le puissent ; ou bien vous quittez la partie et vous devenez inutile, ou bien vous portez le harnais et vous tirez votre charge du côté où vous poussent vos compagnons de joug. — Mais regardez donc la finesse de ces orthoptères !