Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/233

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Cléopâtre, sans les regarder, elle se détourna et s’empressa d’aller rejoindre une femme de chambre et un courrier qui flânaient un peu plus loin dans la salle.

— Que dites-vous de ce beau morceau d’antithèse ? dit l’Allemand, cherchant sur la figure de son compagnon une admiration répondant à la sienne. Ici, étendue, la beauté antique, qui n’a rien d’un cadavre même dans la mort, fixée dans le ravissement suprême de sa perfection physique ; et là, debout, près d’elle, la beauté qui vit, qui respire, avec l’empreinte des siècles chrétiens dans son cœur. Mais elle devrait porter un costume de religieuse ; il me semble qu’elle a un peu l’air de ce que vous appelez un quaker ; je l’habillerais en religieuse dans mon tableau. Quoi qu’il en soit, elle est mariée, j’ai aperçu un anneau de mariage à cette merveilleuse main, sans quoi j’aurais pris le Geistlicher blafard pour son père. J’ai vu qu’il la quittait il y a un bon moment, et c’est tout à l’heure que je l’ai retrouvée dans cette pose sublime. Mais qui sait ? C’est peut-être un richard, et il voudrait peut-être faire faire le portrait de sa femme ! Ah ! la voilà qui s’en va ! Suivons-la jusque chez elle !

— Non, non, répondit son compagnon, avec un léger froncement de sourcils.

— Vous êtes étrange, Ladislaw. Vous m’avez l’air frappé. Est-ce que vous la connaissez ?

— Je sais qu’elle est mariée à un petit cousin, à moi, dit Will Ladislaw, descendant la longue salle d’un air préoccupé, tandis que son compagnon l’observait avec intérêt.

— Comment ! Le Geistlicher ! Il m’a plutôt l’air d’un oncle, ce qui est un degré de parenté plus utile.

— Il n’est pas mon oncle. Je vous dis qu’il est mon petit cousin, reprit Ladislaw avec quelque irritation.

— Bien, bien. Ne vous fâchez pas. Vous ne m’en voulez pas, parce que je trouve que madame Petite-Cousine est la plus parfaite jeune madone que j’aie jamais vue ?