Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/254

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dégoût ; il était partagé entre l’envie d’éclater de rire et l’envie non moins déplacée de laisser libre cours à son mépris et à son irritation. Pendant un instant, il eut le sentiment que cette lutte intérieure amenait sur ses traits mobiles une grimace singulière, mais un effort énergique ne la fit enfin aboutir à rien de plus méchant qu’un gracieux sourire.

Dorothée s’en étonna ; mais ce sourire était irrésistible, et il se refléta sur son visage, à elle. C’était une séduction que le sourire de Will Ladislaw, pour quiconque n’était pas fâché contre lui ; c’était un jet de lumière intérieure, illuminant ses yeux et son teint transparent, se jouant dans chaque courbe et chaque ligne de son visage, comme si quelque Ariel les touchait d’un charme nouveau pour en bannir à jamais toute trace de souci. Dorothée lui demanda d’un ton curieux :

— Quelque chose vous amuse ?

— Oui, dit Ladislaw, rarement pris au dépourvu. Je songeais à la grimace que j’ai faite, la première fois que je vous vis, quand vous avez si bien aplati mon pauvre dessin sous votre critique.

— Ma critique ? dit Dorothée s’étonnant davantage encore. Certainement non. Je me sens toujours affreusement ignorante en peinture.

— Je vous ai soupçonnée d’en savoir assez long au contraire pour trouver juste ce qu’il y avait à dire. Vous avez dit alors, je ne pense pas que vous vous en souveniez comme moi je m’en souviens, que le rapport de mon esquisse avec la nature vous échappait absolument. Du moins, l’avez-vous donné à entendre.

Will put rire à présent aussi bien que sourire.

— C’était là précisément mon ignorance, repartit Dorothée, admirant la bonne humeur de Will. Si j’ai dit cela, c’est que je n’ai jamais pu découvrir la beauté d’un tableau, même de ceux que tous les bons juges déclaraient magni-