Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/290

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sur les bras, aurait pu se croire en partie de plaisir. Les goûts de Fred n’avaient rien de grossier, ils l’éloignaient plutôt du ton et des manières des jeunes gens qui n’avaient pas fréquenté l’Université ; aussi y avait-il, à le voir rechercher la société de Bambridge et de Horrock, un fait intéressant, que l’amour du cheval ne suffirait pas seul expliquer, sans cette mystérieuse influence des « plaisirs de convention » qui détermine si souvent le choix et l’opinion des hommes. C’eût été sans cela une société bien monotone que celle de ces messieurs. Arriver avec eux à Houndsley par un après-midi de brouillard, descendre au Lion Rouge dans une rue obscurcie par la poussière de charbon, dîner dans une chambre décorée d’une carte du pays couverte de taches, d’un mauvais portrait de cheval anonyme, d’un autre de Sa Majesté George IV, botté et cravaté, et d’une variété nombreuse de crachoirs en plomb, il n’y eût eu là qu’une distraction d’un genre lourd et vulgaire sans l’idée de « plaisir », appliquée par les jeunes gens à cet emploi du temps.

Il y avait dans la personne de M. Horrock un fonds de caractère impénétrable sur lequel l’imagination avait beau jeu à s’exercer. Son costume, au premier coup d’œil, l’associait d’une façon saisissante avec le cheval ; ses yeux mongols, son nez, sa bouche et son menton légèrement relevés vers le ciel comme le bord de son chapeau, donnaient au sourire, éternellement sceptique et humble à la fois dont la nature l’avait doué, une expression de physionomie qui, entre beaucoup d’autres, exerce le plus grand prestige sur une nature sensible, particulièrement sur la jeunesse anglaise, lorsqu’elle appartient à un connaisseur de chevaux. Lorsque, avec cette expression saisissante, on sait se taire à propos, on acquiert presque toujours la réputation d’une intelligence hors ligne, d’un fonds d’humour inépuisable et d’un jugement critique, qui, pour tous ceux qui ont la rare bonne fortune de le connaître, est le plus sûr des guides.