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CHAPITRE III


Fred Vincy désirait arriver à Stone-Court à une heure où il trouverait Mary sans son oncle et installée seule en bas dans le petit salon lambrissé. Il laissa son cheval dans la cour afin de ne pas faire de bruit en passant sur le gravier devant la maison, et le bruit seul de la serrure l’annonça. Mary était à sa place habituelle, vivement amusée par la lecture des Souvenirs de Johnson de mistress Plozzi, et elle leva vers lui son visage encore brillant de gaieté ; cette expression joyeuse s’évanouit lorsqu’elle vit Fred s’approcher sans rien dire et rester debout en face d’elle, l’air malade, le coude appuyé sur la cheminée.

— Mary ! commença-t-il, je suis un misérable, un vaurien !

— Il me semble qu’une seule épithète pourrait suffire, dit Mary tâchant de sourire, mais avec un vague sentiment d’alarme.

— Je sais que plus jamais vous ne penserez de bien de moi. Vous me croirez menteur, malhonnête ! Vous penserez que je ne me suis inquiété ni de vous, ni de votre père, ni de votre mère. Quand il s’agit de moi, c’est toujours le pire que vous croyez.

— Donnez-moi de bonnes raisons de vous prouver le contraire, Fred. Mais dites-moi tout de suite, je vous en prie, ce que vous avez fait. J’aime mieux apprendre la vérité, si fâcheuse qu’elle soit, que de l’imaginer.

— Je devais de l’argent… cent soixante livres. J’ai demandé à votre père de me donner sa signature sur mon billet. Je croyais que ce ne serait pour lui qu’une formalité sans conséquence. J’étais sûr de pouvoir moi-même payer