Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/315

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plissement des prophéties mordantes de la jeune fille. En présence de Mary, il n’osait jamais aborder le sujet des espérances qu’il fondait sur l’héritage de son oncle, Mary faisant toujours mine de les ignorer et semblant croire que tout son avenir dépendait de lui seul. Mais, si jamais il devenait réellement l’héritier de Featherstone, il faudrait bien alors qu’elle reconnût ce changement de situation. Tout cela lui passa par l’esprit d’une manière assez trouble et incertaine, tout en montant chez son oncle. Il n’y demeura que peu de temps, s’excusant sur ce qu’il ne se sentait pas bien, et Mary ne reparut pas avant son départ. Mais tout en cheminant pour revenir chez lui, il commença à se sentir plutôt malade que mélancolique.

Bien que Caleb Garth eût rarement le loisir de venir à Stone Court et qu’il n’aimât guère à se rencontrer avec M. Featherstone, Mary ne fut pas surprise de le voir arriver un peu après la tombée du jour. Elle savait que ses parents aimeraient à causer avec elle et, si son père n’était pas venu, elle aurait demandé le lendemain une heure ou deux de liberté pour les aller voir. Le vieillard de son côté se sentait mal à l’aise avec un beau-frère qu’il ne pouvait pas tourmenter, qui ne rougissait pas de sa pauvreté, n’avait rien à lui demander et s’entendait d’ailleurs mieux que lui-même à toute espèce d’exploitations rurales.

Après avoir, en prenant le thé, discuté avec M. Featherstone du prix des choses, Caleb se leva pour lui dire adieu, ajoutant qu’il désirait parler à Mary.

Elle apporta une bougie dans un autre grand salon sans feu, et, la déposant sur la table d’acajou sombre, se retourna vers son père et lui jeta ses bras autour du cou, le comblant de ses baisers d’enfant qui le remplissaient de joie. L’expression de ses grands sourcils s’adoucissait au contact de cette chaude tendresse.

Mary était son enfant préféré et, quoi que Suzanne pût