Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/359

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vaient des lettres qui y étaient restées éparses depuis le jour de l’accident, entre autres les deux lettres de Ladislaw. Celle qui lui était adressée n’avait pas même été ouverte. Le souvenir de ces lettres était d’autant plus pénible à Dorothée, qu’elle attribuait à l’irritation qu’elle avait témoignée l’agitation de son mari et son attaque subite. Aussi n’avait-elle eu jusqu’ici aucune envie de lire ces lettres, non plus que d’aller les chercher dans la bibliothèque ; mais elle jugea qu’il était prudent de les soustraire à la vue de son mari : quelles qu’eussent été les causes de son mécontentement, il fallait, si possible, lui éviter tout nouvel ennui à ce sujet. Elle se mit donc à parcourir rapidement la lettre à lui adressée, afin de s’assurer s’il était ou non nécessaire d’écrire pour empêcher cette visite inopportune.

Will écrivait de Rome. Ses obligations envers M. Casaubon, disait-il, étaient trop réelles pour que tous remerciements ne semblassent pas déplacés. Pourrait-il, à moins d’être le misérable le plus dénué de cœur qui ait jamais rencontré une âme généreuse, ne pas lui en avoir une reconnaissance profonde ? Se répandre en paroles de remerciements, c’eût été comme de dire « Je suis honnête. » Mais Will reconnaissait enfin que son caractère avait besoin pour se former de connaître les difficultés de la vie et la lutte pour l’existence ; la générosité de son parent l’ayant jusqu’ici dispensé de toute peine, il espérait, en cessant d’y recourir, se corriger de certains défauts que M. Casaubon lui-même avait souvent relevés. Il n’avait qu’une manière de s’acquitter, si l’on pouvait jamais s’acquitter d’une telle dette : prouver à son bienfaiteur les bons effets de l’éducation qu’il avait reçue et renoncer désormais à des secours pécuniaires auxquels d’autres avaient plus de droits que lui-même. Il allait revenir en Angleterre pour tenter la fortune, comme tant d’autres jeunes gens qui portaient tout leur