Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/37

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douter que le cavalier ne fût sir James Chettam. Il aperçut Dorothée, sauta à bas de son cheval dont il remit la bride à un groom et s’avança vers elle portant dans son bras quelque chose de blanc qui faisait aboyer avec fureur les deux chiens à ses côtés.

— Quel bonheur de vous rencontrer, miss Brooke, dit-il en ôtant son chapeau et laissant voir les boucles flottantes de ses cheveux blonds. Je n’espérais pas avoir le plaisir de vous voir aussitôt.

Miss Brooke était contrariée de cette interruption à ses pensées. L’aimable baronnet, qui faisait un mari charmant pour Célia, exagérait la nécessité de se rendre agréable à la sœur aînée. Il ne vint pas à l’esprit de Dorothée que ce fût à elle-même que s’adressât manifestement sa cour. Elle était alors en proie à de bien autres réflexions ! Mais, pour le moment, sir James était positivement importun et ses mains à fossettes tout à fait désagréables à voir. L’humeur irritée de la jeune fille la fit rougir, tandis qu’elle lui rendait son salut avec une certaine hauteur.

Sir James donna à sa rougeur l’interprétation la plus flatteuse, et se dit qu’il n’avait jamais vu miss Brooke aussi belle.

— J’ai apporté un petit solliciteur, dit-il, ou plutôt je l’ai apporté pour voir s’il sera agréé avant de présenter sa supplique.

Il montra l’objet blanc qu’il portait, un tout petit chien maltais, vrai joujou de la nature.

— Il est triste de voir ces pauvres créatures qu’on n’élève que pour en faire des jouets, dit Dorothée dont l’opinion se formait à la minute (comme se forment le plus souvent les opinions) dans la chaleur de son irritation.

— Oh ! pourquoi ? dit sir James, marchant à côté d’elle.

— Je crois qu’on ne les rend pas plus heureuses en les dorlotant comme on le fait. Une belette ou une souris en