Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/376

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jamais été assez inhumain pour les bannir de sa demeure, dont il était au contraire tout naturel qu’il eût tenu à l’écart le frère Jonas et la sœur Marthe, et les autres qui n’avaient pas l’ombre de droits équivalents. Ils connaissaient la maxime de Pierre que l’argent était un bon œuf, qu’il fallait mettre dans un nid chaud.

Mais le frère Jonas, la sœur Marthe, et tous les exilés indigents, considéraient les choses à un autre point de vue. Il paraissait probable aux plus pauvres et aux moins favorisés que Pierre, n’ayant rien fait pour eux pendant sa vie, se souviendrait d’eux à son dernier moment. Jonas assurait que les hommes aimaient à surprendre par leurs testaments, et, d’après Marthe, personne n’aurait lieu de s’étonner s’il laissait la meilleure partie de sa fortune à ceux qui l’espéraient le moins. Si leur frère, leur propre frère, ne changeait rien à son testament, c’est que peut-être il avait une réserve d’argent en dehors des dispositions déjà prises. Dans tous les cas, il y aurait là, sur les lieux, quelques-uns des membres de la famille les plus directs pour faire bonne garde contre ceux qui n’avaient pas les mêmes droits. On avait vu des exemples de ces testaments fabriques ou dictés de force, qui faisaient passer à de faux légataires l’avantage de vivre sur les biens du défunt. Ce ne serait pas la première fois qu’on aurait surpris de ces parents éloignés détournant ainsi les choses à leur profit, et ce pauvre Pierre qui était là étendu sans secours ! Il fallait absolument que quelqu’un restât en sentinelle à demeure. Sur ce point ils étaient tous d’accord, et avec eux les neveux, nièces et cousins. Tous ces parents avaient le sentiment très positif qu’il y avait là un intérêt de famille à défendre et considéraient comme un devoir élémentaire de se montrer à Stone-Court.

La sœur Marthe, autrement dit mistress Cranch, qui habitait les Chalky-Flats, et était atteinte d’un commencement d’asthme, ne pouvait entreprendre le voyage ; mais