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CHAPITRE XI


Cette nuit-là, après minuit, Mary releva la garde qui veillait dans la chambre de M. Featherstone et resta assise toute seule auprès de lui jusqu’aux premières heures du jour. Elle remplissait volontiers ce devoir où elle trouvait quelque douceur, malgré l’humeur chagrine du vieillard chaque fois qu’il réclamait ses soins. Il y avait des moments de repos où elle pouvait rester parfaitement tranquille à jouir du silence, et de la lumière à peine naissante du dehors. Le feu rouge et brillant avec ses doux pétillements ressemblait à une existence calme et solennelle, indépendante des passions mesquines, des convoitises misérables, de l’indigne et forcenée poursuite de l’incertain qui excitait journellement son mépris. Mary aimait la compagnie de ses pensées, et elle pouvait s’amuser beaucoup assise ainsi à l’aube, les mains sur ses genoux ; ayant eu dès son enfance de fortes raisons de croire que toutes choses ne s’arrangeraient probablement pas dans la vie pour sa satisfaction particulière, elle ne perdait pas son temps à s’étonner du fait et à s’en désoler. Elle en était déjà venue à considérer la vie comme une espèce de comédie où elle avait pris la fière, ou plutôt la généreuse résolution de ne pas jouer de rôle bas ou hypocrite. Mary aurait pu tomber dans une sorte de cynisme si elle n’avait pas eu des parents qu’elle honorait et dans son cœur un trésor d’affection reconnaissante d’autant plus prêt à déborder qu’elle avait appris à ne pas avoir de prétentions déraisonnables.

En veillant cette nuit-là, elle repassa dans son esprit, comme de coutume, les incidents de la journée ; un sourire