Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/393

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de votre vie souille le commencement de la mienne. Je ne toucherai pas à votre coffre-fort ni à votre testament.

Elle s’éloigna un peu du lit.

Le vieillard s’arrêta avec un regard fixe et interdit, tenant sa clef toute droite par l’anneau puis, d’un mouvement fiévreux, il se mit à vider de sa main osseuse la boîte de métal qui était devant lui.

— Missy, commença-t-il avec précipitation, prenez l’argent, les billets et l’or… prenez-les… vous aurez le tout… Faites comme je vous dis.

Il fit un effort pour tendre la clef de son côté, aussi loin que possible, et Mary se recula encore.

— Je ne toucherai ni à votre clef ni à votre argent, monsieur. Ne me le demandez plus, je vous en prie. Si vous persistez, il faudra que j’aille appeler votre frère.

Il laissa retomber sa main, et, pour la première fois de sa vie, Mary vit le vieux Pierre Featherstone se mettre à pleurer comme un enfant.

Elle lui dit alors aussi doucement qu’elle le put :

— Remettez cet argent à sa place, je vous en prie, monsieur. — Puis elle revint s’asseoir près du feu, espérant le convaincre ainsi qu’il était inutile d’insister plus longtemps.

Tout à coup, et comme faisant un violent effort, il reprit :

— Écoutez alors. Appelez-moi le jeune homme. Appelez Fred Vincy.

Le cœur de Mary se mit à battre plus fort. Mille pensées diverses sur les conséquences que pourrait avoir la destruction d’un second testament lui traversèrent l’esprit. Elle avait à prendre à la minute une résolution délicate.

— Je l’appellerai, si vous me permettez d’appeler M. Jonas et les autres avec lui.

— Point d’autre que lui, vous dis-je, lui seulement, le jeune homme. Je ferai comme il me plaira.

— Attendez qu’il fasse jour, monsieur, et que tout le