Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/424

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bien des yeux observateurs, sans parler de M. Farebrother ; et tout le monde sut bientôt que miss Vincy et M. Lydgate étaient fiancés, sans qu’il fût nécessaire de le publier. La tante Bulstrode sentit se réveiller encore son inquiétude, mais elle s’adressa cette fois à son frère et se rendit à son bureau pour l’y trouver seul, et éviter ainsi les façons étourdies de sa femme. Les réponses qu’elle obtint ne la satisfirent point.

— Walter, il n’est pas possible, n’est-ce pas, que vous ayez permis tout cela sans vous être informé des chances d’avenir de Lydgate ? dit mistress Bulstrode, en regardant gravement son frère de ses yeux grands ouverts. (Celui-ci était de mauvaise humeur, comme presque toujours à son bureau.) Songez à une jeune fille élevée dans le luxe et d’une façon trop mondaine, je suis fâchée de vous le dire. Comment fera-t-elle pour vivre avec un revenu exigu ?

— Que Dieu me damne, Henriette ! Que puis-je faire quand il arrive des étrangers dans la ville sans ma permission ? Avez-vous fermé votre maison à M. Lydgate ? Bulstrode a contribué plus que personne à le mettre en avant. Je n’ai jamais fait d’embarras à propos de ce jeune homme. Vous seriez mieux venue à en causer avec votre mari qu’avec moi.

— Voyons, sérieusement, Walter, comment M. Bulstrode peut-il être à blâmer ? Je suis sûre qu’il ne désirait pas ce mariage.

— Oh ! si Bulstrode ne l’avait pas amené lui-même par la main, je ne l’aurais jamais invité.

— Mais vous l’avez appelé pour Fred, et ce fut là bien certainement une grâce divine, dit mistress Bulstrode qui perdait le fil de ses idées dans les complications de son sujet.

— Je n’entends rien à la grâce, répondit M. Vincy d’un ton maussade. Je sais que j’ai du tracas chez moi plus que je ne voudrais. J’ai été bon frère pour vous, Henriette,