Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/427

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tain que le fait d’être amoureux et d’être toujours attendu par une personne que l’on retrouvait chaque fois plus jolie que le souvenir ne vous la représentait, nuisait à l’emploi assidu de ces heures de loisir, dont quelque « piocheur allemand » profitait peut-être pendant ce temps pour arriver à la grande, à l’imminente découverte. Il y avait là une raison pour ne pas différer le mariage, et Lydgate s’en expliqua avec M. Farebrother, un jour que le vicaire en venant le voir le raillait doucement sur le désordre de sa table de travail :

— Éros a dégénéré ; il a commencé par introduire l’ordre et l’harmonie et maintenant il apporte le chaos.

— Oui, momentanément, dit Lydgate avec un sourire, tout en préparant le microscope pour son ami. Mais un ordre meilleur s’établira, bientôt.

— Bientôt ? fit le vicaire.

— Je l’espère, en vérité. Cet état d’incertitude dévore beaucoup de temps, et, pour qui s’est voué à la science, chaque instant est une occasion à saisir. Je suis sûr que le mariage est ce qui convient le mieux à un homme qui veut travailler sérieusement. Il a chez lui tout le nécessaire, il n’a à se préoccuper de rien pour lui-même. Il y trouve le calme et l’indépendance.

— Quel animal enviable vous êtes, dit le vicaire, d’avoir une telle perspective devant vous : Rosemonde, le calme, l’indépendance, voilà votre lot… et me voici, moi, avec ma pipe et mes animalcules pour tout bien.

Lydgate garda le silence sur un autre motif qui lui faisait désirer d’abréger le temps de ses fiançailles. Il était passablement irrité, même avec le vin de l’amour fermentant dans ses veines, d’avoir à se mêler si souvent aux réunions de famille des Vincy, à entrer autant dans les commérages, la gaieté sans répit, les parties de whist et la platitude générale de Middlemarch. Lydgate était forcé de