Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/429

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jour où ils s’étaient engagés l’un à l’autre, et jamais il ne l’avait aimée aussi passionnément. Il baisa doucement, comme pour les encourager, les lèvres hésitantes.

— Je sais que papa n’est pas très satisfait de notre engagement, continua Rosemonde presque à voix basse. Il a dit hier au soir qu’il vous parlerait pour vous prier d’y renoncer.

— Voulez-vous y renoncer ? dit Lydgate avec une soudaine énergie et presque avec colère.

— Je ne renonce jamais à rien de ce que j’ai choisi, dit Rosemonde, recouvrant son calme au seul toucher de cette corde.

— Dieu vous bénisse ! dit Lydgate en l’embrassant encore. (Cette persistance de résolution dont elle faisait preuve au bon moment était adorable.) Il continua : — Il est trop tard maintenant pour que votre père nous demande de rompre. Vous êtes majeure et je vous réclame comme m’appartenant. Si on fait la moindre chose qui puisse vous rendre malheureuse, c’est une raison de hâter notre mariage.

Un ravissement manifeste s’échappa des yeux bleus qui rencontraient les siens, et cet éclat sembla éclairer tout son avenir d’un doux rayon de soleil. Le bonheur idéal, ce bonheur des nuits arabes, où vous êtes invité à quitter le travail et le trouble de la rue pour un paradis où tout vous est donné sans vous coûter d’effort, semblait ne plus dépendre que de quelques semaines de plus ou de moins.

— Pourquoi différer encore ? continua-t-il avec une ardente insistance. J’ai la maison maintenant, et le reste pourra être prêt en peu de temps, n’est-ce pas ? Vous ne vous souciez pas de nouvelles toilettes ? Il sera bien temps de les acheter après ?

— Quelles idées originales vous avez, vous autres savants, dit Rosemonde qui laissa voir ses fossettes avec un rire plus franc que de coutume, en entendant cette plaisante