Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/44

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— C’est un bon garçon et plus intelligent qu’on ne le croirait, répondit Dorothée étourdiment.

— Tu veux dire qu’il a l’air d’un niais.

— Non, non, dit Dorothée, redevenant attentive, et posant sa main sur celle de sa sœur ; mais il ne s’exprime pas sur tous les sujets avec la même éloquence.

— Cette qualité, je crois, est le propre des gens désagréables, dit Célia de son petit ton renfrogné. Et ce doit être horrible de vivre avec eux. Figure-toi cela, Dorothée ! à déjeuner, et partout et toujours !…

Dorothée se mit à rire.

— Oh ! Kitty ! tu es une drôle de créature, dit-elle en pinçant le menton de Célia.

Dans la disposition d’esprit où elle était alors, Dorothée trouvait sa sœur tout à fait aimable et charmante, faite pour être un éternel chérubin et, à vrai dire, n’ayant pas plus besoin de se préoccuper de son salut qu’un écureuil.

— Sans doute, continua-t-elle, les gens ne sont pas tenus de toujours bien parler. Mais c’est quand ils essayent de bien parler que l’on peut juger de la valeur de leur esprit.

— Tu entends par là que sir James essaye et ne réussit pas ?

— Je parle de tout le monde, en général. Pourquoi me catéchises-tu à propos de sir James. Le but de sa vie n’est pas de me plaire ?

— Voyons, Dodo, penses-tu réellement ce que tu dis ?

— Certainement. Il voit en moi une future sœur, voilà tout.

C’était la première fois que Dorothée faisait allusion à cette perspective ; par suite d’une certaine timidité mutuelle qui tenait les deux sœurs réservées sur ce chapitre, elle avait attendu qu’une circonstance décisive lui donnât l’occasion d’en parler.

Célia rougit, mais ajouta bien vite :