Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/459

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pour fournir de bonnes occasions de conversation ; Dorothée avait établi l’habitude, lorsqu’elle s’apercevait que son mari ne dormait pas, de se lever, d’allumer une bougie et de lui faire la lecture pour l’aider à se rendormir. Cette nuit-là, M. Casaubon dormit quelques heures, comme d’ordinaire ; Dorothée qui, tout excitée par ses résolutions, n’avait pas sommeillé une minute, s’était levée doucement, et il y avait près d’une heure qu’elle restait assise dans l’obscurité, lorsque son mari lui dit :

— Dorothée, puisque vous êtes levée, voulez-vous allumer une bougie.

— Vous sentez-vous indisposé, mon ami ? lui demanda-t-elle tout en allumant.

— Non, pas du tout, mais je vous serai obligé, puisque vous êtes levée, de me lire quelques pages de Lowth.

— Puis-je, au lieu de lire, causer un instant avec vous ? dit Dorothée.

— Certainement.

— J’ai pensé toute la journée à des questions d’argent, au trop d’argent que j’ai toujours eu, au trop d’argent surtout que je dois avoir dans l’avenir.

— Ces arrangements-là, ma chère Dorothée, sont providentiels.

— Mais, si l’un a trop parce que l’on a fait tort à d’autres, il me semble qu’il faut obéir à la voix divine qui vous dit de réparer ce tort.

— Quelle est la portée de cette remarque, mon amour ?

— C’est que vous avez été trop généreux envers moi dans vos dispositions, je veux dire en ce qui touche vos biens ; et cela me rend malheureuse.

— Comment cela ? je n’ai que des parents assez éloignés.

J’en suis venue à penser à votre tante Julia, à la pauvreté dans laquelle on l’a laissée, uniquement parce qu’elle avait épousé un homme sans fortune ; et il n’y avait là rien