Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/461

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— Dorothée, mon amour, ce n’est pas la première fois, mais il serait bien que ce fût la dernière, que vous formulez un jugement sur des sujets qui dépassent votre portée. Ce n’est pas le moment d’entrer dans la question de savoir jusqu’à quel point la conduite, surtout en matière d’alliances, peut amener une déchéance des droits de parenté. Qu’il me suffise de vous dire que vous n’êtes pas apte à voir clair dans ces matières. Ce que je vous prie maintenant de comprendre, c’est que je n’accepte pas de redressements, encore moins d’injonctions, dans toutes les affaires sur lesquelles j’ai réfléchi seul, comme étant distinctement et formellement miennes. Ce n’est pas à vous à intervenir entre moi et M. Ladislaw, encore moins à encourager de sa part des communications qui sont une critique de mes actes.

La pauvre Dorothée, cachée par l’obscurité de la nuit, était en proie à un tumulte d’émotions contraires. Son alarme, à l’idée des effets que la colère et cette énergique sortie pouvaient avoir sur son mari, eût suffi à l’empêcher d’exprimer son propre ressentiment, eût-elle même été alors tout à fait exempte de doute et de remords, en sentant qu’il y avait peut-être une certaine justesse dans la dernière insinuation de son mari. Entendant, après qu’il eut cessé de parler, sa respiration précipitée, elle demeura assise, l’oreille tendue au moindre bruit, enragée, misérable, avec un cri muet s’élevant de son cœur pour demander un secours qui l’aidât à supporter ce cauchemar de la vie où la crainte paralysait toute son énergie. Il n’en fut rien de plus, et ils restèrent tous les deux longtemps sans dormir et sans se parler.

Le lendemain, M. Casaubon reçut la réponse suivante de Will Ladislaw.


« Cher monsieur Casaubon, j’ai accordé à votre lettre toute la considération qui lui était due, mais je suis inca-