Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/479

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tant de silence. Elle était violemment émue. Je suis très peinée, ajouta-t-elle avec tristesse.

Elle pensait à ce que Will ignorait absolument, à cette conversation entre elle et son mari dans l’obscurité et, de nouveau, l’impression désespérante de ne pouvoir rien sur la conduite de M. Casaubon s’empara de son âme. Mais, à voir l’expression profonde de sa douleur. Will fut convaincu que ce n’était pas à lui personnellement qu’elle se rapportait, et que Dorothée n’avait pas eu l’idée qu’elle pouvait être pour quelque chose dans l’aversion et la jalousie de M. Casaubon contre lui.

Il ressentit un mélange bizarre de ravissement et de mécontentement : de ravissement, de pouvoir demeurer chéri sans soupçon et sans restriction, dans la pensée de Dorothée comme dans une pure cellule ; de mécontentement parce qu’il comptait trop peu pour elle, parce qu’il ne la dominait pas assez, peu flatté d’être traité par elle avec une bienveillance si naturelle et si facile. Mais la crainte de voir Dorothée changer en rien fut plus forte que le mécontentement, et, d’un ton calme, il reprit simplement son explication :

— M. Casaubon n’est pas d’avis que je reste ici et que je m’y crée une position ; il considère cela comme indigne du rang d’un cousin à lui. Je lui ai dit que je ne saurais lui céder sur ce point. Il serait par trop dur de voir ma carrière entravée par des préjugés que je trouve ridicules. L’obligation peut aller si loin, qu’elle n’est plus alors qu’une marque d’esclavage imprimée sur nous, alors que nous sommes encore trop jeunes pour en comprendre la portée. Je n’aurais pas accepté cette situation, si je n’étais décidé à la rendre utile et honorable. Je n’ai pas à tenir compte de la dignité de famille à un autre point de vue.

Dorothée se sentait malheureuse. Elle trouvait son mari