Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/490

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Tandis que Ben s’était mis à chanter :

— Mary est une vieille bique ! vieille bique ! vieille bique ! en battant la mesure avec le poing sur le bras de sa sœur, mistress Garth regardait son mari, déjà profondément absorbé dans sa lecture. Son visage exprimait une grave surprise qui alarma un peu sa femme. Continuant à l’observer avec une certaine inquiétude, elle le vit secoué tout à coup d’un petit rire joyeux ; et, reprenant le commencement de la lettre, il lui dit à voix basse :

— Que pensez-vous de cela, Suzanne ?

Elle s’approcha et, posant la main sur son épaule, elle lut avec lui une lettre de sir James qui offrait à Caleb Garth l’administration des domaines de famille de Freshitt et des environs, s’informant en outre de la part de M. Brooke si M. Garth voudrait bien accepter également l’administration de la propriété de Tipton. Le baronnet ajoutait en termes fort obligeants qu’il était pour sa part particulièrement désireux de voir les domaines de Freshitt et de Tipton sous la même direction ; dans l’espoir que cette double administration pourrait s’exercer dans des conditions au gré de M. Garth, il serait heureux, ajoutait-il, de voir celui-ci au Hall, le lendemain à midi.

Il écrit bien, n’est-ce pas, Suzanne ? dit Caleb, levant les yeux vers sa femme ; Brooke n’aimait pas à me le demander lui-même, je vois cela.

— Voici un hommage rendu à votre père, mes enfants ! dit mistress Garth faisant le tour des cinq paires d’yeux dirigés sur leurs parents. Ceux-là mêmes le prient de reprendre un emploi, qui l’avaient congédié il y a longtemps. Cela prouve qu’il faisait bien son service et qu’on s’aperçoit qu’il était nécessaire.

— Comme Cincinnatus, hourra ! dit Ben en se mettant à cheval sur sa chaise, heureux de penser qu’il y avait pour un moment relâche dans la discipline.