Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/507

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tez une chose, moins je la crois. Plus vous désirez que je fasse une chose, plus j’aurai de raisons pour ne jamais la faire. Croyez-vous qu’il me plaise d’oublier comme vous me donniez des coups de pied quand j’étais enfant, et comme vous nous preniez nos meilleurs morceaux, à ma mère et à moi ? Croyez-vous que j’oublie que vous ne cessiez de venir à la maison, pour tout vendre et tout emporter, et comme vous vous en alliez en nous plantant là. Je serais heureux de vous voir fouetté, attaché derrière une charrette. Ma mère a été bien folle avec vous, elle n’avait pas le droit de me donner un beau-père, et elle en a été punie. Je lui payerai sa pension chaque semaine, rien de plus, et je la supprimerai même, si vous osez encore vous présenter dans ces lieux ou me poursuivre dans n’importe quel endroit de la province. La première fois que vous vous montrerez à l’intérieur de ces grilles, vous serez chassé par les chiens et à coups de fouet.

En achevant ces derniers mots, Rigg se retourna et regarda Raffles de ses yeux saillants et glacés. Le contraste entre les deux hommes était aussi frappant en ce moment qu’il pouvait l’avoir été dix-huit ans auparavant, alors que Rigg était un petit garçon, rien moins que gentil et invitant aux coups de pieds, tandis que Raffles était l’Adonis un peu épais des salles de cabaret. Mais l’avantage était maintenant du côté de Rigg, et on aurait pu s’attendre à voir Raffles se retirer de l’air d’un chien battu. Point du tout. Il fit une grimace qui lui était habituelle, chaque fois qu’il était mis « hors de jeu ». Puis il poussa un petit rire et sortit de sa poche une gourde de brandy.

— Allons, Josh, dit-il d’une voix caressante, donnez-nous une cuillerée de brandy et un souverain pour me payer mon voyage, et je m’en irai. Parole d’honneur ! Je m’en irai comme un boulet, par Jupiter !

— Rappelez-vous, dit Rigg en tirant un trousseau de