Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/64

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disposé à chercher des fleurs qui se seraient fanées dans ma main, mais maintenant ce me sera une joie de les cueillir pour les poser sur votre sein.

Quel discours eut pu être plus complètement honnête dans ses intentions ? La froide rhétorique de la conclusion était sincère tout autant que l’aboiement d’un chien ou le croassement d’une corneille amoureuse, et ne serait-il pas téméraire de conclure que la passion est absente des sonnets à Délia parce qu’ils résonnent à nos oreilles comme la frêle musique d’une mandoline.

La foi de Dorothée suppléait à ce que les paroles de M. Casaubon semblaient sous-entendre. Quel croyant, je vous le demande, s’aperçoit de l’erreur qui pourrait troubler sa foi ? Le langage d’un prophète ou d’un poète s’embellit à nos yeux de ce que notre cœur a le don d’y ajouter et il n’est pas jusqu’à son mauvais style qui ne nous paraisse sublime.

— Je suis très ignorante, vous serez bien surpris de mon ignorance, dit Dorothée. J’ai tant d’idées qui sont peut-être absolument fausses ; et maintenant je pourrai vous les dire toutes et vous demander de m’éclairer. Mais, ajouta-t-elle avec une intuition rapide du sentiment qu’éprouvait probablement M. Casaubon, je ne vous imposerai pas l’ennui de m’entendre… seulement lorsque vous serez disposé à m’écouter. Dans le travail que vous poursuivez, vous devez être souvent fatigué de vos recherches. Pour moi, ce sera déjà beaucoup si vous voulez bien m’initier à votre œuvre.

— Comment pourrais-je désormais suivre aucun sentier sans vous ? dit M. Casaubon en baisant le front candide de Dorothée et convaincu que le ciel lui avait accordé une grâce qui répondait sous tous les rapports à ses besoins spéciaux.

Il subissait à son insu l’influence magique d’une nature