Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/67

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naissance, descendante de comtes inconnus parfaitement obscurs, qui, alléguant sa pauvreté, rognait les prix les plus bas, qui, en vous décochant les plaisanteries les plus familières, laissait toujours par un certain tour de langue deviner ce qu’elle était, une telle personne par ses condescendances avec les paysans de la contrée les rapprochait à la fois des rangs plus élevés de la société et de l’Église et diminuait apparemment l’amertume qu’il y avait pour eux à payer la dîme impermutable. Un caractère plus exemplaire avec plus de dignité simple ne les eût pas aussi bien aidés à comprendre les trente-neuf articles et eût certainement moins contribué à la paix sociale.

M. Brooke, qui appréciait à sa manière et à un autre point de vue les mérites de mistress Cadwallader, tressaillit légèrement lorsqu’on lui annonça sa visite dans la bibliothèque où il était seul.

— Je vois que vous avez eu ici votre Cicéron de Lowick, dit-elle en s’asseyant confortablement près de lui et en écartant son châle, qui laissa voir une taille fine, mais bien prise ; je vous soupçonne de tramer ensemble quelque mauvaise intrigue politique, sans quoi vous ne verriez pas si souvent cet homme-là en personne. J’informerai contre vous ; souvenez-vous que vous êtes suspects tous deux depuis que vous avez pris le parti de Peel dans la question catholique ; je répandrai partout que vous allez vous présenter comme candidat whig à Middlemarch, quand le vieux Pinkerton aura donné sa démission, et Casaubon travaillera pour vous sous main ; il corrompra les électeurs par des pamphlets qu’il distribuera dans les cabarets. Allons, confessez-vous !

— Rien de semblable, dit M. Brooke souriant et frottant le verre de ses lunettes, mais rougissant un peu à cette harangue. Nous ne causons pas beaucoup politique avec Casaubon. Il ne s’occupe guère des questions philanthro-