Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/7

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quêtes mondaines d’une brillante jeune fille ? Sa flamme eût rapidement dévoré ce léger combustible.

Tirant son aliment du fond de l’âme même, il fallait à son essor une satisfaction sans limite, un objet dont elle ne se lasserait jamais, capable de réconcilier le désespoir de soi-même avec le sentiment délicieux d’une vie en dehors de soi.

Elle trouva son épopée dans la réforme d’un ordre religieux. Cette femme espagnole, qui vécut il y a trois cents ans, ne fut certainement pas la dernière de son espèce. Bien des Thérèses sont venues au monde, que n’attendait pas une vie épique, embrassant un continuel déploiement d’actions retentissantes ; peut-être seulement une vie d’erreurs, résultat d’une certaine grandeur spirituelle mal appropriée à la médiocrité des circonstances ; peut-être même une chute tragique, qui ne rencontra point son poète sacré, et qui s’est enfoncée dans l’oubli sans avoir été pleurée. Elles s’efforcèrent, avec des lumières confuses et dans des conditions difficiles, de mettre en noble accord leurs idées et leurs actes ; mais le monde ne vit dans ces luttes qu’une simple inconséquence et une dérogation aux formes convenues ; ce qui manqua à ces Thérèses nées trop tard, ce fut une foi et un ordre social en harmonie, capables de suppléer à la science pour une âme pleine d’ardente bonne volonté. Leur ardeur oscilla entre un vague idéal taxé d’extravagance et les aspirations ordinaires de la femme, condamnées comme des fautes.