Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/73

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— Ce n’est pas d’une chose indifférente, commença-t-elle, que j’ai à vous parler ; j’espère que vous n’êtes pas aussi amoureux que vous le prétendez.

Il ne servait à rien de protester contre la manière de dire les choses de mistress Cadwallader : mais la physionomie de sir James se contracta légèrement. Il eut comme un vague sentiment d’alarme.

— Je crois bien que Broche va, cette fois, se mettre en avant. Je l’ai accusé de vouloir représenter Middlemarch dans les rangs des libéraux ; il a pris un air benêt et ne l’a pas nié ; il a parlé du parti indépendant et il a débité ses bêtises ordinaires.

— Et c’est là tout ? dit sir James, grandement soulagé.

— Comment ! vous ne voulez pas dire, je pense, qu’il vous serait agréable de voir entrer dans la vie publique une girouette pareille ! Mais il y a, je crois, moyen de l’en dissuader. Il n’aimerait pas du tout les dépenses auxquelles cela l’entraînerait, c’est un point sur lequel il est accessible au raisonnement. Il y a toujours quelques grains de bon sens dans une once d’avarice. L’avarice est une qualité précieuse dans les familles ; c’est un solide point d’appui pour contre-balancer la folie. Et il doit y en avoir un petit grain dans la famille Brooke, autrement nous ne verrions pas ce que nous allons voir.

— Quoi ! la candidature de Brooke à Middlemarch ?

— Pis que cela. Il me semble vraiment que j’en suis un peu responsable. Je vous ai toujours dit que miss Brooke serait un beau parti, je savais qu’il y avait en elle pas mal d’extravagance, des idées puritaines sans consistance réelle, mêlées d’inconséquences ; ces choses-la passent ordinairement chez les jeunes filles, mais j’ai été stupéfaite de ce que je viens d’apprendre.

— Que voulez-vous dire ? fit sir James, tout en se demandant si Dorothée ne s’était pas enfuie pour aller