Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tement naturelle sans plus témoigner d’agacement ; peu à peu il découvrit tout le charme qu’il peut y avoir dans une franche affection et dans une amicale intimité, d’homme à femme entre lesquels il n’y a pas d’amour à cacher ni à déclarer.



CHAPITRE IX


M. Brooke n’eut qu’à se louer des procédés de M. Casaubon dans la rédaction du contrat, et les préliminaires du mariage avançaient doucement. Encore faut-il que la fiancée prenne connaissance de sa future demeure et indique les changements qu’elle y désire. Avant le mariage, la femme commande ; c’est une manière de se préparer à la soumission plus tard.

Par une matinée de novembre d’un froid gris et sec, Dorothée se rendit en voiture à Lowick avec son oncle et Célia. L’habitation de M. Casaubon était le manoir de la paroisse. Tout proche s’élevait la petite église qu’on apercevait à travers les arbres du jardin, et, vis-à-vis, le vieux presbytère. M. Casaubon n’avait d’abord occupé que la cure, la mort de son frère ne l’ayant mis que plus tard en possession du manoir. De ce manoir dépendait un petit parc où s’élevait çà et là un vieux chêne isolé ; une avenue de tilleuls conduisait à la façade sud ouest de la maison ; le parc et le jardin n’étaient séparés que par une clôture basse, de manière que, des fenêtres du salon, le regard se prolongeait à perte de vue le long d’une pente de gazon vert jusqu’au point où les tilleuls descendaient au niveau des blés et des pâturages, et parfois semblaient se fondre comme dans un lac sous les rayons du soleil couchant. C’était le côté riant de la maison ; les façades du midi et du levant