Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/92

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montrait çà et là quelque vase antique ; elle trouvait cela tout aussi gai que les statuettes et les tableaux de la Grange rapportés par son oncle de ses voyages d’autrefois et qui faisaient probablement partie « des idées qu’il avait absorbées à une certaine époque de sa vie ». La pauvre Dorothée, avec ses idées puritaines, ne pouvait guère comprendre ces grandes nudités classiques et ces tableaux maniérés de la Renaissance imités du Corrège ; on ne lui avait d’ailleurs jamais appris comment elle pourrait d’une façon ou d’une autre les associer avec sa vie. Mais les propriétaires de Lowick n’avaient apparemment jamais aimé les voyages, et ce n’était pas de ce côté que M. Casaubon avait jamais cherché à compléter ses grandes études sur le passé.

Dorothée parcourut la maison avec une émotion délicieuse. Tout lui semblait sanctifié ! Cette maison allait devenir le home de sa vie de femme, et elle levait des regards pleins de confiance vers M. Casaubon lorsqu’il appelait son attention sur quelque changement, quelque arrangement, qu’elle pût souhaiter. Elle recevait avec reconnaissance cet appel fait à ses goûts, mais elle ne voyait jamais rien à changer. Les efforts de M. Casaubon pour arriver à une courtoisie parfaite et à des formes de tendresse ne laissaient rien à désirer à ses yeux. Elle en comblait les lacunes par des perfections imaginaires, interprétant son fiancé comme elle interprétait les œuvres de la Providence, et, si parfois elle croyait découvrir des discordances, elle les attribuait à sa propre surdité qui l’empêchait d’entendre les harmonies élevées. N’y a-t-il pas, durant les semaines de fiançailles, beaucoup de lacunes qu’une foi aimante sait combler par une heureuse confiance ?

— Maintenant, me ferez-vous le plaisir, ma chère Dorothée, de me désigner la chambre qui vous plairait le mieux pour en faire votre boudoir ? dit M. Casaubon montrant