Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parfois sur son siège, appuyant un bras sur la table et s’étreignant la tête. Les émotions et les pensées qui affluaient à son âme ne lui permettaient ni de donner un libre cours à sa colère, ni de s’en tenir simplement à son inflexible résolution. Rosemonde prit avantage de ce silence.

— Quand nous nous sommes mariés, tout le monde mettait très haut votre position. Je n’aurais jamais pu imaginer alors que vous voudriez un jour vendre notre mobilier et prendre une maison dans Bride Street, avec des chambres comme des cages. Pour vivre ainsi, quittons au moins Middlemarch.

— Ce seraient là des considérations très puissantes, répondit Lydgate ironiquement, — cependant une pâleur de frisson s’étendait autour de ses lèvres, tandis qu’il regardait son café sans le boire, — ce seraient des considérations très puissantes, si je ne me trouvais pas endetté.

— Bien des gens ont dû être endettés de la même manière, mais s’ils sont honorables, on a confiance en eux. Certainement, j’ai entendu dire à papa que les Torbit avaient des dettes, et ils ont continué à très bien marcher. Cela ne peut rien valoir, d’agir précipitamment, dit Rosemonde, avec une sereine sagesse.

Lydgate restait assis, paralysé sur sa chaise par des impulsions contraires ; puisque aucun des raisonnements dont il pouvait essayer avec Rosemonde ne semblait capable de lui arracher son consentement, il avait comme un besoin d’écraser, de broyer quelque objet sur lequel il pourrait au moins produire une impression quelconque, ou de dire brutalement à sa femme qu’il était le maître et qu’elle n’avait qu’à obéir. Mais il ne redoutait pas seulement l’effet de semblables extrémités sur leur vie mutuelle, il avait une crainte croissante de la calme et fuyante obstination de Rosemonde, qui ne laisserait jamais le dernier mot à l’affirmation de ses droits ; et puis elle l’avait touché au point le