Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/340

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— Oui, je pense, dit Bulstrode parvenant à se dominer, mistress. Bulstrode est prévenue des raisons qui me retiennent. Mistress Abel et son mari n’ont pas l’expérience nécessaire pour qu’on s’en rapporte absolument à eux, et ce genre de responsabilité ne peut guère faire partie de leur service. Vous avez de nouvelles instructions à donner, sans doute ?

Lydgate insista surtout pour qu’on n’administrât l’opium qu’à doses extrêmement modérées, et seulement dans le cas où l’insomnie persisterait après plusieurs heures. Il avait eu la précaution d’apporter de l’opium avec lui, et il donna à Bulstrode des instructions minutieuses sur les doses et sur le moment où il faudrait les suspendre, sous peine de danger pour le malade ; il recommanda encore de ne pas donner d’alcool.

— D’après ce que j’observe chez le malade, conclut-il, le narcotique est ce que je redoute le plus. Il peut se soutenir même avec très peu de nourriture. Il y a encore chez lui beaucoup de force.

— Vous avez l’air malade vous-même, monsieur Lydgate, ce qui est chez vous une chose des plus inhabituelles, je puis même dire sans précédent, depuis que je vous connais, dit Bulstrode, faisant preuve d’une sollicitude aussi opposée à son indifférence de la veille, que son insouciance présente pour sa propre fatigue était opposée à l’inquiétude habituelle qu’il avait de sa santé. Vous m’avez l’air excédé.

— Oui, je le suis, dit Lydgate brusquement, son chapeau à la main, prêt à partir.

— Est-ce quelque chose de nouveau, je le crains ? reprit Bulstrode. Veuillez donc vous asseoir.

— Non, je vous remercie, dit Lydgate avec quelque hauteur. Je vous ai dit hier quel était l’état de mes affaires. Il n’y a rien à ajouter sinon que l’exécution commence chez moi. Il suffit d’une courte phrase pour exprimer une grande dose de souffrance. Je vais vous souhaiter le bonsoir.