Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/116

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mieux — que dis-je, les hommes eux-mêmes suggèrent une meilleure façon de vivre.

Tout être individuel a sa beauté propre. En toute réunion, à tout coin du feu, quand on entend tant d’accents nouveaux, tous harmonieux, quand on voit en chacun des manières originales qui ont un charme propre et particulier, quand on lit sur les visages des expressions nouvelles, on est frappé de la richesse de la Nature. On s’aperçoit qu’elle a posé pour chacun les fondements d’un monument divin, si l’âme veut bâtir sur eux. Il n’est pas de visage, pas de forme, que l’on ne puisse associer en imagination avec une grande puissance intellectuelle ou avec la générosité d’âme. Assurément, dans notre expérience, la beauté n’est pas, comme elle devrait l’être, le partage de l’homme et de la femme aussi invariablement que l’est le sentiment. Même chez les êtres beaux, la beauté est accidentelle — ou, comme on l’a dit, n’atteint son point culminant et n’est parfaite qu’en un seul moment, avant lequel elle n’est pas encore, et après lequel elle est sur son déclin. Mais la beauté n’est jamais tout à fait absente. Chaque physionomie, chaque forme, suggère son propre état normal et sain. Nos amis ne représentent pas leur forme supérieure. Mais que les cœurs qu’ils ont émus témoignent du pouvoir qui se cache sous les contours de ces structures d’argile qui passent et repassent devant nous ! L’influence secrète des formes sur l’imagination et les sentiments est au-dessus de toute notre philosophie. Le premier regard que nous rencontrons peut nous convaincre que la matière est le véhicule de forces plus élevées que les siennes, et qu’il n’est pas de lois des lignes ou des surfaces