Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/236

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rage voulu », avait-il dit, « mais je ne laisserai personne s’en apercevoir. » Et il s’était accoutumé à aller toujours en n’importe quel endroit dangereux, et à faire ce dont il avait peur, mettant une fermeté obstinée à lutter contre cette infirmité naturelle. Coleridge a conservé l’histoire d’un officier de la marine anglaise qui, parlant de sa première expédition, alors qu’il était un enseigne de quatorze ans et accompagnait Sir Alexander Ball, lui dit : « Comme nous ramions vers le vaisseau que nous devions attaquer, au milieu d’une décharge de mousqueterie, je fus vaincu par la peur, mes genoux tremblèrent, et je fus sur le point de m’évanouir. Le lieutenant Ball, me voyant, vint se placer tout près de moi, me prit la main et murmura : « Courage, mon cher enfant ! Vous allez vous remettre en une minute ou deux ; j’ai éprouvé juste la même chose quand j’ai fait ainsi ma première sortie. » Ce fut comme si un ange me parlait. À partir de ce moment, je fus aussi intrépide et allai autant de l’avant que le plus âgé de l’équipage. Mais je n’ose penser à ce qui serait advenu si, à ce moment-là, il m’avait raillé et avait attiré l’attention sur moi. »

Le savoir est l’antidote de la peur — le Savoir, l’Habitude, et la Raison, avec ses auxiliaires supérieurs. L’escalier, le poêle, le tub, ou le chat, font courir autant de dangers à l’enfant qu’un canon ou une embuscade en font courir au soldat. Chacun surmonte la peur aussitôt qu’il comprend exactement le péril, et apprend les moyens d’y résister. Chacun est sujet à la panique, laquelle est faite, précisément, des terreurs de l’ignorance livrée à l’imagination. Le savoir est un protecteur — le savoir qui fait dis-