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VIERGES EN FLEUR

— Je bénirai votre mariage cet hiver…

— Laissez-moi réfléchir…

— Votre réflexion, j’espère, sera brève… songez donc, deux millions, deux millions… Le voilà le bonheur ! Ces mariages-là sont écrits dans le ciel.

Il y avait une telle ironie, une telle amertume dans le regard du prêtre que Luce, à ces mots, se sentit troublée et honteuse d’avoir laissé échapper, si ingénument son contentement.

Puis elle s’effara, pensant que l’abbé avait inventé peut-être ce projet de mariage, pour se bien assurer que le seul idéal, le seul rêve, le seul espoir de celle qu’il aimait, c’était un mariage riche.

— Ah ! fit-elle, un peu irritée, vous avez tort de croire que ma résolution est arrêtée. J’hésite assurément, parce qu’en épousant M. Tavernier je devrai quitter cette Bretagne que j’aime, où mon enfance s’est écoulée, où je laisserai de bien chers souvenirs… Mais vraiment, cet exil vaudra mieux : dites à votre cousin que je suis très flattée de l’honneur qu’il me fait. Pourtant, je le refuse.

L’abbé Le Manach pâlit.

Il avait suggéré à son parent l’idée de cette union, dans l’espoir d’arracher Luce à Philbert, — à Philbert qui l’entraînerait sans doute à