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VIERGES EN FLEUR

Sur le chemin passait l’abbé Le Manach, rêveur, murmurant les oraisons de son bréviaire.

Philbert cria :

— L’abbé, vite, arrivez ! Voici une bonne nouvelle que je veux vous annoncer. Mlle Luce qui hésitait depuis longtemps et n’osait prendre une décision, est résolue enfin à suivre vos conseils. Elle accorde sa main à votre cher cousin, l’homme aux deux millions !

L’abbé, très pâle, se taisait. Mais ses yeux s’emplissaient d’étonnement, d’espoir.

Luce était honteuse ; elle redoutait que le prêtre s’indignât et refusât. Et ce silence, que rien n’interrompait maintenant, la glaçait.

— Hé l’abbé ! s’écria tout à coup Philbert, vous demeurez muet. Vous êtes impoli. Faites-moi le plaisir, mon ami, d’être un peu plus correct. C’est la surprise et la joie sans doute qui lient votre langue à votre palais. Voyons, remerciez galamment la petite demoiselle… Remplacez aujourd’hui le cousin du Guiny ; baisez dévotement la main de la fiancée.

Le prêtre demeurait immobile. Philbert brusquement le projeta vers Luce.

— Êtes-vous pétrifié ? L’abbé, baisez la main.

Et l’abbé Le Manach, effaré, obéit.

Puis il balbutia :

— Au nom de Raphaël, recevez mon merci !