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VIERGES EN FLEUR

et nous angoisse ! On doit anéantir ce qui grouille au cerveau, et tendre au nirvana. Allons boire l’absinthe, fumer de bons cigares, et très bien dîner. Je vais t’introduire dans mon humble demeure, t’initier à ma végétation, te montrer les racines et les vrilles qui m’attachent désormais à ce terroir.

C’était une retraite confortable, presque coquette ; la petite maison de granit était ornée de roses grimpantes et de ruisseaux de lierre. Un jardin, tout autour, l’encadrait de verdure et d’épanouissements. Des chiens, sur le gravier des allées s’allongeaient. Une fenêtre s’ouvrait sur une cuisine luisante, parée de cuivres et de faïences, où la coiffe d’une petite servante jetait comme un rayon de blancheur, un éclat.

Philbert considéra la silhouette gentille de la jeune Bretonne.

— C’est ta bonne à tout faire ?

— Non : c’est mon coin d’azur, très pur, idéal. Cette enfant est ici depuis un an : elle met dans la maison le charme de sa jeunesse et de sa fraîcheur.

— Ouf ! de la poésie !

— Appelle-moi gâteux ! Mais je ne rougis pas de ma déliquescence. Oui, j’aime cette enfant, je l’aime chastement. Mais je l’aime en papa, sans peur et sans reproche.