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VIERGES EN FLEUR

doute, et vous l’avez jetée ! Je ne répondis pas, mais je pris sur mon cœur, où elle était toujours, la chère fleur desséchée. Luce me l’arracha. Comme je m’attristais : Ce sera moi, dit-elle, qui l’aurai maintenant sur mon cœur. Puis elle me tendit un œillet blanc ; mais, avant de me le donner, elle posa un instant sa lèvre sur la corolle. Et voilà, mon ami, tout mon pauvre roman. Nous échangeons des fleurs, des fleurs où nous avons mis nos ardents baisers ; lorsqu’elle est près de moi, séparés l’un de l’autre par la grille du confessionnal, j’ai parfois des envies terribles d’approcher et de prendre la bouche qui ne me fuirait pas. Mais je lutte et suis fort. Pourtant j’ai des révoltes et maudis ce triste, cet affreux courage que j’ai de résister à l’appel de l’amour !…

— Vous êtes cependant sur la bonne voie…

— J’y suis plus que vous ne pensez. Car ce train, où nous sommes, vers elle me conduit. Depuis un mois elle est loin de moi, et je ne puis plus vivre sans elle. Je vais la rejoindre.

— Voici que le roman se corse…

— Oh ! que non. Ce n’est pas encore l’enlèvement. Luce est allée passer l’été à Trégastel, au couvent Sainte-Anne-des-Rochers, où l’on reçoit quelques familles de baigneurs et des ecclésiastiques. Je vais vivre là-bas quelques jours, plus près d’elle. Nous nous verrons souvent.