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VIERGES EN FLEUR

Mme Mercœur, la chambre que vous occupiez l’autre jour. Et je vous confesse que ce n’est pas par pure bonté que je vous fais cette faveur, mais bien par égoïsme. J’ai peur, la nuit, seule avec mes filles dans cette maison. Notre ami le douanier, qui occupe avec sa famille la cabane contiguë, est souvent de service du soir jusqu’au matin. Alors, vous serez notre gardien… Et, en outre, votre présence sera pour nous une distraction, car c’est horriblement triste, cette île. Marie-Reine a eu, convenez-en, une singulière idée…

— La mienne est tout aussi étrange, et vous la critiquez en même temps.

— En effet, il n’est guère naturel qu’un jeune homme aime la solitude à ce point.

— Vous vous trompez, madame… Quand on a vécu des années sans trêve ni répit, au milieu de la tourmente parisienne, on cherche le grand calme, le repos absolu. Les stations balnéaires sont bruyantes ; la foule des hôtels importune. On voulait être seul, au bout de quatre jours on est sollicité, on est envahi ; de vagues amitiés s’établissent ; l’isolement est impossible, et l’on est entraîné dans le courant mondain.

— Vous n’avez pas à craindre, ici, pareils ennuis. Mais, je vous en conjure, ne soyez pas trop sauvage. C’est peut-être pour secouer tout de