Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
330
VIERGES EN FLEUR

cès, le plus souvent, elle gémit et crie : Ah ! j’ai peur !… Le bourreau !… La hache !… C’est horrible ! Je ne veux pas mourir… » Parfois elle s’imagine qu’elle est décapitée et pousse des hurlements atroces : « Ma pauvre tête, si jeune et si jolie, pourquoi l’avoir tranchée ?… » J’ai consulté les spécialistes les plus renommés ; espérant qu’à force de soins je guérirais ma fille : mais ils m’ont arraché tout espoir. Maintenant, monsieur, faites vos malles, retournez en votre Paris, oubliez vos amies d’un mois, les pauvres exilées que vous laissez ici.

— Madame, dit Philbert, je ne partirai pas. Vous savez mon secret, je puis donc vous avouer que j’aime Marie-Reine profondément, immensément et que j’espère encore fléchir sa volonté, effacer lentement dans son cœur le souvenir qui me semble déjà moins vif…

— Oui, vous avez raison : depuis le jour où pour la première fois, nous sommes venues à Batz, Marie-Reine n’est plus aussi lourdement accablée par cette affliction sans trêve qui l’opprimait ; peu à peu, sa désolation morne et sauvage semble s’effacer. Je retrouve parfois en ses yeux, en ses attitudes, son insouciance, sa coquetterie d’autrefois. Hé, oui, elle est redevenue coquette. Maintenant les costumes de deuil qu’elle s’obstine à porter, elle les pare de fleurs claires