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VIERGES EN FLEUR

Oui, oui, je t’avais vu dans les paradis de l’opium et du haschich, et tu m’as possédée, vierge, plus d’une fois. En mes rêves, c’est toi qui te glissais près de moi, et me ravissais de tes illusoires mais accablantes caresses ! Oh ! les alanguissements si doux qui me tuaient ! Oh ! tes baisers montant de mes pieds à mes yeux !… Amant, mon doux amant, après la longue attente, après les joies du songe, voici enfin la nuit où l’amour véritable nous marie… Demain, le lien si cher semblera se dénouer : mais crois-le, mon amant, il sera éternel. Je garderai toujours, en moi, la douce ivresse que l’initiateur d’amour m’aura donnée. Un peu de moi, Philbert, vivra aussi en toi, frissonnera sans fin dans ton cœur, dans ta chair. Les amours en tombant en nous n’y meurent pas ; elles ne sont pas détruites par les amours nouvelles, mais s’y mêlent ainsi que les fleurs innombrables d’un parc immense, pour former un bouquet qui devient chaque jour plus parfumé, plus beau !

— Petite fleur d’amour, épanouis-toi donc et sois la rose-reine !

Philbert entre ses mains prit la tête de Jeanne, fit couler ses cheveux en ruissellement d’or ; il s’y baigna les mains, le front, les yeux, les lèvres. Puis il baisa la nuque ; et les frissons jaillirent aux moelles de l’amante.