Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/338

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déclinaison à deux cas, un sujet et un régime. Le cas sujet a exactement le même rôle grammatical que le nominatif dans le latin ; le cas régime représente le génitif, le datif, l’accusatif et l’ablatif. C’est là la règle des textes des douzième et treizième siècles. Mais cette règle est bien autrement ancienne ; car voilà qu’on la rencontre, en germe du moins, non pas dans le français qui n’existait pas encore, mais dans le latin des Gaules tel qu’on l’écrivait sous les Mérovingiens.

Au lieu de : origines de la langue française, je dirais plutôt : origines de la langue gallo-romane. Ce n’est pas seulement le vieux français ou langue d’oïl qui a les deux cas ; le vieux provençal ou langue d’oc les a aussi. Ce phénomène grammatical, chose singulière qu’on n’eût pas soupçonnée avant les études modernes, est étranger à l’italo-roman et à l’hispano-roman. Tandis que les trois groupes de langues se ressemblent en tout, vocabulaire et organisme, ils diffèrent en ceci qu’une déclinaison, qui est la déclinaison latine amoindrie, ne se trouve que dans le pays où l’on s’attendait le moins à la rencontrer, c’est-à-dire dans les Gaules. Les Gaules ne sont pas d’origine latine comme l’Italie ; elles furent romanisées bien longtemps après l’Espagne ; et pourtant leur langage a conservé une marque de latinité qui s’est effacée partout ailleurs.

Notez pour la tradition qu’en ceci le vieux français ni le vieux provençal n’ont été inventeurs, ayant reçu leur déclinaison du bas-latin. Mais, et c’est ici le point de la divergence, le bas-latin ne fut pas identique en Gaule d’une part, d’autre part en Italie et en Espagne. Tandis que l’organisme de la déclinaison classique se défaisait complètement