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Dans le latin des temps mérovingiens, ces formes si nombreuses subsistent. Bien plus, une partie de ces formes nous apparaît doublée ou même triplée. A côté de la forme classique, on trouve souvent une, quelquefois deux formes secondaires, ordinairement issues de la forme classique. Mais, à l’époque mérovingienne, malgré ce nombre considérable de formes, le nombre des fonctions que la pensée conçoit et demande à la parole est considérablement réduit. Dès l’époque mérovingienne, au lieu des six fonctions casuelles, distinguées par la grammaire classique, la syntaxe ne semble distinguer pour les noms, les pronoms et les adjectifs, que deux fonctions casuelles, sujet et régime ; de là l’emploi si fréquent des cas régimes l’un pour l’autre. En fait de genres, le masculin et le féminin seuls vivent encore comme fonction ; du neutre la forme seule subsiste. Ainsi la cause qui a motivé la création de la plupart des formes de la déclinaison latine a cessé d’exister dès le commencement de la période mérovingienne ; car la seule raison d’être d’un organe, c’est la fonction à laquelle il est destiné. Cependant ces formes grammaticales inutiles subsistèrent pendant les trois siècles que dura la période mérovingienne. Ce fut seulement pendant la période carlovingienne que la simplification des formes mit le matériel grammatical en harmonie avec la simplification des idées. Alors le français naquit... Aux curieux qui demanderont comment il a pu se faire que l’organisme entier de la déclinaison latine ait survécu environ trois siècles à la plupart des fonctions auxquelles il était destiné, nous répondrons que la survivance momentanée des organes aux fonctions est une loi générale de la nature. »