Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/427

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aux suggestions d’amendement « Je suis comme cela, » j’ai depuis toujours eu à cœur, selon la capacité de mon esprit, de conduire au plus près du définitif ma copie, avant de m’en dessaisir. C’était ce que je croyais avoir fait en ce que j’appellerai la première édition manuscrite de mon dictionnaire mais, au faire et au prendre, elle ne fut qu’un canevas.

Instinctivement, c’est-à-dire sous l’empire d’une crainte vague d’être insuffisant à ma tâche, je reculais le commencement de l’impression. Au contraire, M. Hachette avait hâte de mettre en train une opération qui devait durer bien des années. Puis il était en pourparler avec un professeur de l’Université disposé à collaborer avec moi, mais qui, si l’on renvoyait trop loin le début, chercherait ailleurs emploi de ses quelques loisirs. C’était M. Beaujean, aujourd’hui inspecteur d’académie. La suite de mon récit montrera combien M.Hachette avait raison et était prévoyant en ne laissant pas échapper pour moi cette collaboration. Par un autre côté aussi, ses instances se justifiaient hautement car il devenait de plus en plus urgent qu’une nécessité extérieure inexorable me contraignît à faire appel à toutes les ressources de mon esprit, et que je cessasse de reculer devant la lourdeur du fardeau, à l’égal de la bête d’Horace, iniquæ mentis asellus.

Poussé, pressé, je me décidai à prendre en main mes papiers bien numérotés et bien ficelés par paquets, et à préparer de la copie définitive pour l’imprimerie. Quel ne fut pas mon désespoir, le mot n’a rien d’exagéré, quand je me convainquis qu’en l’état je n’avais aucun moyen de fournir de la copie en quantité et en qualité suffisantes à une imprimerie qui allait en consommer beaucoup ! Justement je