Page:Emile Zola, Mes haines - Mon salon - Edouard Manet, Ed. Charpentier, 1893.djvu/79

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là, entre les mains, un individu ; je l’étudié pour lui-même, par curiosité scientifique. La perfection à laquelle je tends est de donner à mes lecteurs l’anatomie rigoureusement exacte du sujet qui m’a été soumis. Moi, j’aurai eu la charge de pénétrer un organisme, de reconstruire un tempérament d’artiste d’analyser un cœur et une intelligence, selon ma nature ; les lecteurs auront le droit d’admirer ou de blâmer, selon la leur.

Je ne veux donc pas ici de malentendu entre moi et le public. J’entends lui montrer, dans toute sa nudité, l’œuvre de MM. de Goncourt, et lui faire toucher du doigt les plaies saignantes qu’elle découvre hardiment. J’aurai le courage de mes admirations. Il me faut analyser page par page, les amours honteuses de Germinie, en étudier les désespoirs et les horreurs. Il s’agit d’un grave débat, celui qui a existé de tous temps entre les fortifiantes brutalités de la vérité et les banalités doucereuses du mensonge.

Imaginez une créature faite de passion et de tendresse, une femme toute chair et toute affection, capable des dernières hontes et des derniers dévouements, lâche devant la volupté au point de quêter des plaisirs comme une louve affamée, courageuse devant l’abnégation au point de donner sa vie pour ceux qu’elle aime. Placez cette femme frémissante et forte dans un milieu grossier qui blessera toutes ses délicatesses, s’adressera à tout le limon qui est en elle, et qui, peu à peu, tuera son âme en l’étouffant sous les ardeurs du corps et l’exaltation des sens. Cette