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AU BONHEUR DES DAMES.

ment, dans son émotion, qu’elle ne s’arrêta point à ces détails de coquetterie. Jamais elle n’avait porté de la soie. Quand elle redescendit, endimanchée, mal à l’aise, elle regardait luire la jupe, elle éprouvait une honte aux bruissements tapageurs de l’étoffe.

En bas, comme elle entrait au rayon, une querelle éclatait. Elle entendit Clara dire d’une voix aiguë :

— Madame, je suis arrivée avant elle.

— Ce n’est pas vrai, répondait Marguerite. Elle m’a bousculée à la porte, mais j’avais déjà le pied dans le salon.

Il s’agissait de l’inscription au tableau de ligne, qui réglait les tours de vente. Les vendeuses s’inscrivaient sur une ardoise, dans leur ordre d’arrivée ; et, chaque fois qu’une d’elles avait eu une cliente, elle remettait son nom à la queue. Madame Aurélie finit par donner raison à Marguerite.

— Toujours des injustices ! murmura furieusement Clara.

Mais l’entrée de Denise réconcilia ces demoiselles. Elles la regardèrent, puis se sourirent. Pouvait-on se fagoter de la sorte ! La jeune fille alla gauchement s’inscrire au tableau de ligne, où elle se trouvait la dernière. Cependant, madame Aurélie l’examinait avec une moue inquiète. Elle ne put s’empêcher de dire :

— Ma chère, deux comme vous tiendraient dans votre robe. Il faudra la faire rétrécir… Et puis, vous ne savez pas vous habiller. Venez donc, que je vous arrange un peu.

Et elle l’emmena devant une des hautes glaces, qui alternaient avec les portes pleines des armoires, où étaient serrées les confections. La vaste pièce, entourée de ces glaces et de ces boiseries de chêne sculpté, garnie d’une moquette rouge à grands ramages, ressemblait au salon banal d’un hôtel, que traverse un continuel galop de