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AU BONHEUR DES DAMES.

Mais il aperçut Denise. On l’occupait au déplié depuis le matin, on ne lui avait abandonné que quelques ventes douteuses, qu’elle avait manquées d’ailleurs. Quand il la reconnut, occupée à débarrasser une table d’un tas énorme de vêtements, il courut la chercher.

— Tenez ! mademoiselle, servez donc ces dames qui attendent.

Vivement, il lui mit sur le bras les articles de madame Marty, qu’il était las de promener. Son sourire revenait, et il y avait, dans ce sourire, la secrète méchanceté d’un vendeur d’expérience, se doutant de l’embarras où il allait jeter ces dames et la jeune fille. Celle-ci, cependant, demeurait tout émue devant cette vente inespérée qui se présentait. Pour la seconde fois, il lui apparaissait comme un ami inconnu, fraternel et tendre, toujours prêt dans l’ombre à la sauver. Ses yeux brillèrent de gratitude, elle le suivit d’un long regard, pendant qu’il jouait des coudes, afin de regagner son rayon au plus vite.

— Je désirerais un manteau, dit madame Marty.

Alors, Denise la questionna. Quel genre de manteau ? Mais la cliente n’en savait rien, elle n’avait pas d’idée, elle voulait voir les modèles de la maison. Et la jeune fille, très lasse déjà, étourdie par le monde, perdit la tête ; elle n’avait jamais servi qu’une clientèle rare, chez Cornaille, à Valognes ; elle ignorait encore le nombre des modèles, et leur place, dans les armoires. Aussi n’en finissait-elle plus de répondre aux deux amies qui s’impatientaient, lorsque madame Aurélie aperçut madame Desforges, dont elle devait connaître la liaison, car elle se hâta de venir demander :

— On s’occupe de ces dames ?

— Oui, cette demoiselle qui cherche là-bas, répondit Henriette. Mais elle n’a pas l’air très au courant, elle ne trouve rien.