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LES ROUGON-MACQUART.

l’interroger. Elle désigna des yeux la salle de l’échantillonnage, puis sembla rendre des comptes. Sans doute elle rapportait que la jeune fille avait pleuré le matin.

— Parfait ! dit tout haut Mouret, en se rapprochant. Montrez-moi les listes.

— Par ici, monsieur, répondit la première. Nous nous sommes sauvées du tapage.

Il la suivit dans la pièce voisine. Clara ne fut pas dupe de la manœuvre : elle murmura qu’on ferait mieux d’aller chercher un lit tout de suite. Mais Marguerite lui jetait les vêtements d’une main plus vive, pour l’occuper et lui fermer la bouche. Est-ce que la seconde n’était pas une bonne camarade ? ses affaires ne regardaient personne. Le rayon devenait complice, les vendeuses s’agitaient davantage, les dos de Lhomme et de Joseph se renflaient, comme sourds. Et l’inspecteur Jouve, ayant remarqué de loin la tactique de madame Aurélie, vint marcher devant la porte de l’échantillonnage, du pas régulier d’un factionnaire qui garde le bon plaisir d’un supérieur.

— Donnez les listes à monsieur, dit la première en entrant.

Denise les donna, puis resta les yeux levés. Elle avait eu un léger sursaut, mais elle s’était domptée, et elle gardait un beau calme, les joues pâles. Un instant, Mouret parut s’absorber dans l’énumération des articles, sans un regard pour la jeune fille. Le silence régnait. Alors, madame Aurélie, s’étant approchée de mademoiselle de Fontenailles, qui n’avait pas même tourné la tête, parut mécontente de ses additions, et lui dit à demi voix :

— Allez donc aider aux paquets… Vous n’avez pas l’habitude des chiffres.

Celle-ci se leva, retourna au rayon, où des chuchotements l’accueillirent. Joseph, sous les yeux rieurs de