Page:Emile Zola - Au bonheur des dames.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
360
LES ROUGON-MACQUART.

pas. Il n’avait eu qu’à se baisser pour prendre les autres, toutes attendaient son caprice en servantes soumises ; et celle-ci disait non, sans même donner un prétexte raisonnable. Son désir, contenu depuis longtemps, fouetté par la résistance, s’exaspérait. Peut-être n’offrait-il pas assez ; et il doubla ses offres, et il la pressa davantage.

— Non, non, merci, répondait-elle chaque fois, sans une défaillance.

Alors, il laissa échapper ce cri de son cœur :

— Vous ne voyez donc pas que je souffre !… Oui, c’est imbécile, je souffre comme un enfant !

Des larmes mouillèrent ses yeux. Un nouveau silence régna. On entendit encore, derrière la porte close, le ronflement adouci de l’inventaire. C’était comme un bruit mourant de triomphe, l’accompagnement se faisait discret, dans cette défaite du maître.

— Si je voulais pourtant ! dit-il d’une voix ardente, en lui saisissant les mains.

Elle les lui laissa, ses yeux pâlirent, toute sa force s’en allait. Une chaleur lui venait des mains tièdes de cet homme, l’emplissait d’une lâcheté délicieuse. Mon Dieu ! comme elle l’aimait, et quelle douceur elle aurait goûtée à se pendre à son cou, pour rester sur sa poitrine !

— Je veux, je veux, répétait-il affolé. Je vous attends ce soir, ou je prendrai des mesures…

Il devenait brutal. Elle poussa un léger cri, la douleur qu’elle ressentait aux poignets, lui rendit son courage. D’une secousse, elle se dégagea. Puis, toute droite, l’air grandi dans sa faiblesse :

— Non, laissez-moi… Je ne suis pas une Clara, qu’on lâche le lendemain. Et puis, monsieur, vous aimez une personne, oui, cette dame qui vient ici… Restez avec elle. Moi, je ne partage pas.

La surprise le tenait immobile. Que disait-elle donc et que voulait-elle ? Jamais les filles ramassées par lui dans